Testament, donation : peut-on changer d'avis ?

Selon la nature de la libéralité, l'identité du bénéficiaire ou les circonstances, il est possible de changer d'avis ou de modifier ses intentions lorsqu'on a consenti une donation ou prévu un ou plusieurs legs dans un testament. Diverses conditions s'imposent toutefois s'agissant des donations.

À l'inverse du testament, qui peut être modifié à tout moment, une donation est, par principe, irrévocable. Il existe cependant des dérogations.

Révocation possible du testament à tout moment

"Le testament est un acte par lequel le testateur exprime ses dernières volontés et dispose, pour le temps où il n'existera plus, de tout ou partie de ses biens ou de ses droits et qu'il peut révoquer" (article 895 du Code civil). Le testament ne produit effet qu'au décès du testateur. Avant ce moment, l'intéressé a tout loisir de revenir sur ses volontés sans avoir à fournir un quelconque motif. Un testament peut être révoqué, en tout ou partie, expressément ou tacitement de différentes façons : soit par un testament postérieur, annulant le précédent ou comportant des dispositions contraires, soit par un acte notarié indiquant le changement de volonté, ou encore par sa destruction volontaire. La révocation peut aussi être tacite, notamment parce que le testateur a vendu le bien de son vivant, rendant ainsi impossible l'exécution du legs – sauf si le légataire prouve l'intention formelle du testateur de maintenir le legs sur le prix du bien vendu ou sur le bien acquis en remploi.

Remarque

Les legs consentis au profit du conjoint sont révoqués automatiquement, en cas de divorce ou de séparation, sauf volonté contraire de l'époux qui les a consentis.

Ingratitude, survenance d'enfants... Des exceptions à la règle de l'irrévocabilité des donations

"La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte" (article 894 du Code civil). Donner, c'est donner : une donation est donc irrévocable, par principe, à compter de l'acceptation du donataire. Le donateur ne peut donc pas se réserver la possibilité d'anéantir rétroactivement la donation. Toutes les donations entre vifs sont concernées, quelle que soit leur forme – donation notariée, don manuel, donation indirecte ou donation déguisée – et qu'il s'agisse de donations simples ou de donations-partages.

Cependant, la loi prévoit expressément trois cas de révocation des donations (article 953 du Code civil) : l'inexécution des charges imposées au donataire – sous réserve que ces conditions soient licites –, l'ingratitude du donataire et la survenance d'enfant.

Bon à savoir

La révocation pour inexécution des charges ou ingratitude n'a jamais lieu de plein droit. Elle doit passer par une décision de justice. Il appartient aux tribunaux d'apprécier les circonstances de fait.

À l'exception des donations entre époux examinées ci-après, toutes les donations sont susceptibles d'être révoquées pour survenance d'enfant, que l'enfant soit né naturellement ou qu'il ait fait l'objet d'une adoption plénière exclusivement. S'agissant de donations consenties depuis le 1er janvier 2007, la révocation est possible uniquement si l'acte de donation le prévoit, et sous condition d'être demandée, normalement, par voie de justice, et dans un délai de 5 ans à compter de la naissance ou de l'adoption. Pour les donations consenties avant le 1er janvier 2007, la révocation est automatique ; elle est opérée de plein droit sans qu'une décision judiciaire soit nécessaire.

Bon à savoir

Les droits de mutation à titre gratuit perçus sur une donation ultérieurement révoquée pour survenance d'enfant sont restitués BOI-ENR-DG-70-20 n° 70), par exception au principe commun qui ne prévoit pas de restitution (article 1961 du Code général des impôts).

Cas des donations matrimoniales

Les donations entre époux sont soumises à un régime dérogatoire au droit commun. Elles sont partiellement concernées par le principe d'irrévocabilité (article 1096 du Code civil).

Pour les donations ordinaires consenties depuis le 1er janvier 2005, il faut distinguer selon que la donation pend effet ou non pendant le mariage. Les donations de biens présents qui prennent effet pendant le mariage, quelle que soit leur forme, sont irrévocables, sauf hypothèses marginales d'inexécution des charges ou d'ingratitude. À l'inverse, les donations de biens présents entre époux qui ne prennent pas effet pendant le mariage, principalement celles dont le terme est le décès du donateur, sont librement révocables.

Les donations de biens présents entre époux consenties avant le 1er janvier 2005 sont librement révocables au gré du donateur. Un époux peut ainsi à tout moment révoquer, même après le 1er janvier 2005, une donation de biens présents qu'il a consentie à son conjoint avant cette date.

Par ailleurs, les époux ont aussi la possibilité de se consentir des donations de biens à venir, plus connue sous le nom de donations au dernier vivant. Celles-ci présentent la caractéristique d'être librement révocables. La révocation peut intervenir sans motif légitime, de façon expresse, par acte notarié ou testament, ou de façon tacite. 

Autres possibilités de modification

D'autres possibilités existent aussi pour modifier les effets d'une libéralité. Il peut effectivement être décidé que le don ou le legs sera rapportable, à savoir qu'il sera pris en compte pour calculer les parts des héritiers, ou bien qu'il sera hors part, auquel cas, la libéralité s'imputera sur la quotité disponible. Ainsi un testament postérieur peut-il indiquer que tel legs sera rapportable ou hors part, contrairement à ce qui a pu être écrit dans un premier testament.

S'agissant d'une donation, compte tenu de son caractère irrévocable (sauf exceptions vues précédemment), les termes peuvent être modifiés uniquement dans un sens plus favorable au donataire (dispenser de rapport une donation précédemment consentie en avancement de part successorale, par exemple). L'inverse nécessitera l'accord du donataire s'il a déjà accepté la donation.

De l'intérêt d'un droit de retour conventionnel...

Une donation peut être assortie d'une condition qui a pour effet, en cas de prédécès du donataire, d'anéantir la donation de plein droit. Les biens doivent alors être restitués au donateur, les choses se retrouvant ainsi dans le même état que si la donation n'avait pas existé. Le droit de retour peut intervenir en cas du prédécès du donataire seul ou du prédécès du donataire et de ses descendants. La clause peut prévoir un retour en valeur.

Lorsqu'une donation est consentie avec une telle condition, le donataire peut, en principe, exercer pleinement son droit de propriété sur le bien donné. En réalité, sa liberté est souvent limitée par la présence, dans l'acte de donation, d'une clause d'interdiction d'aliéner aussi longtemps que la condition est pendante, c'est-à-dire pendant toute la vie du donateur, cette clause étant généralement complétée, pour les immeubles, par une interdiction d'hypothéquer et, pour les titres, par une interdiction de nantir.

À noter que, sur le plan fiscal, si le droit de retour s'exerce, le donateur redevient propriétaire sans avoir à acquitter de droits de succession. Les droits de donation initialement acquittés sont restituables, sur réclamation, ou imputables sur ceux dus à raison d'une nouvelle donation des mêmes biens à un autre descendant du donateur dans les cinq ans du retour.

 

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