Puis-je modifier la clause bénéficiaire de mon contrat d’assurance-vie ?

Tant que le bénéficiaire désigné en cas de décès n'a pas accepté le contrat d'assurance-vie, le souscripteur peut revenir sur son choix. Le fait que l'assureur ait eu connaissance de la modification seulement après le décès du souscripteur peut toutefois remettre en cause l'efficacité de la clause bénéficiaire lorsqu'elle a été effectuée par lettre.

Lors de la souscription d'un contrat d'assurance-vie, le souscripteur a toute latitude pour désigner le bénéficiaire des prestations s'il venait à décéder. Il n'est pas tenu de l'avertir de l'existence du contrat. Il lui appartient simplement de prendre les précautions nécessaires pour qu'il soit informé de ses droits à l'échéance prévue.

La désignation du bénéficiaire peut être effectuée à tout moment par le souscripteur, depuis le jour de la conclusion du contrat jusqu'à son échéance. Elle n'est soumise à aucune condition de forme particulière, le bénéficiaire pouvant être notamment désigné soit dans le contrat d'origine ou, plus tard, par avenant au contrat, soit par simple lettre, soit par testament.

À noter

L'accord de l'assuré est requis s'il n'est pas le souscripteur (situation rare en pratique pour les assurances en cas de décès).

Le bénéficiaire non acceptant, en principe seul révocable

Lorsqu'il a connaissance du contrat et de la clause à son profit, le bénéficiaire est libre d'accepter ou de refuser le bénéfice du contrat. L'acceptation est facultative et peut intervenir à tout moment depuis le jour où le bénéficiaire a connaissance de la clause le gratifiant et jusqu'au terme du contrat. Tant que le souscripteur-assuré est en vie, l'acceptation doit être effectuée soit par un avenant signé de l'assureur, du souscripteur et du bénéficiaire, soit par un acte notarié, soit par un acte sous signature privée, signé par le souscripteur et le bénéficiaire : l'acceptation n'a alors d'effet à l'égard de l'assureur que lorsqu'elle lui est notifiée par écrit.

Conséquence de l’acceptation : irrévocabilité de la désignation

L'acceptation a pour principal effet de consolider le droit du bénéficiaire. Le souscripteur ne peut normalement pas effectuer de rachat ni d'avance après l'acceptation du contrat par le bénéficiaire, tout au plus peut-il mettre le contrat en réduction… Il existe toutefois des exceptions à l'irrévocabilité du bénéficiaire, notamment lorsque la désignation concerne le conjoint ou en cas de survenance d'enfant sous certaines conditions, en cas d'ingratitude ou de tentative de meurtre.

 Tant que le bénéficiaire désigné en cas de décès n'a pas accepté le contrat d'assurance-vie, le souscripteur peut revenir sur son choix, autrement dit le révoquer et désigner une autre personne. Tout comme la désignation initiale, le droit de révoquer le bénéficiaire appartient au souscripteur et à lui seul : en aucun cas il ne peut déléguer à une autre personne le droit de choisir un nouveau bénéficiaire (sauf dans le cas d'un majeur protégé).

Les modalités de la substitution

La modification de la clause bénéficiaire peut être effectuée à tout moment par le souscripteur jusqu'à son décès soit par avenant au contrat (fréquent en pratique), par testament, soit par simple lettre ou lettre recommandée. La modification ne nécessite pas de respecter un parallélisme des formes entre la voie choisie lors de la désignation initiale et celle retenue pour la modification.

Dans tous les cas, la volonté certaine et non équivoque du souscripteur est requise comme pour tout acte juridique, et son existence relève de l'appréciation des juges, en fonction des circonstances de chaque affaire. L'assureur doit normalement avoir connaissance de la modification du vivant du souscripteur, sauf s'il s'agit d’un testament. Il a notamment été jugé que la volonté certaine et non équivoque du souscripteur ne peut pas résulter de courriers à en-tête de l'intéressé prenant la forme de lettres types et non revêtus de sa signature, sauf à établir que l'acte litigieux constitue un testament olographe (Cass. 2e civ. 26.11.2020 n° 18-22.563). Inversement, le fils du souscripteur d'un contrat d'assurance-vie peut se prévaloir d'un écrit, daté et signé, le désignant comme bénéficiaire du contrat, même si celui-ci n'a pas été porté à la connaissance de l'assureur du vivant du souscripteur, dès lors que cet écrit s'analyse en un testament olographe (Cass. 2e civ. 10.03.2022 n° 20-19.655).

Attention cependant : les changements de bénéficiaire opérés in extremis, autrement dit à une date très proche du décès du souscripteur, sont risqués à double titre. D'une part, l'administration fiscale peut y voir l'indice d'une donation indirecte taxable lorsque les circonstances dans lesquelles le nouveau bénéficiaire a été désigné révèlent la volonté du souscripteur de se dépouiller de manière irrévocable. Auquel cas la fiscalité décès avantageuse de l'assurance-vie ne s'appliquerait pas. D'autre part, l'assureur qui aurait de bonne foi versé les capitaux au bénéficiaire initialement désigné serait libéré de toute obligation. Auquel cas, le nouveau bénéficiaire que le souscripteur entendait désigner devrait se retourner contre la personne ayant perçu à tort les capitaux décès pour en obtenir le remboursement. Qui plus est, la capacité et le consentement du souscripteur pourrait être remise en cause en cas de modification tardive.

Quelles précautions prendre ?

En tout état de cause, il est essentiel de prévenir le plus rapidement possible son assureur d'une modification de la clause bénéficiaire.

Il peut être utile de recourir aux conseils d'un notaire pour rédiger une nouvelle clause bénéficiaire par testament.

S'agissant d'un souscripteur âgé, l'établissement d'un certificat médical indiquant qu'il a le discernement requis pour prendre des décisions concernant son patrimoine peut également être envisagé.

 

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