La banque ne manque pas à son devoir de mise en garde sans endettement excessif de l'emprunteur

La banque ne manque pas à son devoir de mise en garde lorsque le prêt consenti ne créé pas de risque d’endettement excessif et que les difficultés de l'emprunteur sont dues à l’échec d’investissements auxquels il a alloué les fonds.

Une banque consent à un couple deux prêts immobiliers d'une valeur respective de 3 559 335 € et de 535 120 €. Le couple cesse de rembourser les échéances convenues puis finit par rembourser l’un des prêts. La banque lui notifie alors la déchéance du terme du prêt restant à rembourser et le met en demeure de payer.

Estimant que la banque avait manqué à son devoir de mise en garde à son égard, le couple la poursuit en responsabilité.

Cette demande est rejetée car les prêts immobiliers consentis n’avaient pas créé, lors de leur octroi, un risque d’endettement excessif pour le couple emprunteur. En effet :

  • - il était propriétaire de soixante-deux logements dont les loyers s’élevaient à 39 000 € par mois ;
  • - la valeur globale des biens du couple était estimée à 8 000 000 € ;
  • - le prêt de 3 559 335 € était pour l’essentiel destiné à refinancer les crédits immobiliers souscrits pour financer les acquisitions d’immeubles et avait été remboursé sans incident pendant trois ans ;
  • - le prêt de 535 120 € était destiné à refinancer le prêt souscrit pour acquérir la résidence principale du couple et avait été remboursé par le prix de vente de cet immeuble ;
  • - les difficultés financières du couple avaient commencé lorsqu'il s'était lancé dans des opérations commerciales dans le domaine de la restauration , en y réinvestissant une partie des fonds provenant de la vente de certains de ses biens au lieu de l'affecter au remboursement des emprunts qui avaient permis leur acquisition, de sorte que, bien que ne disposant plus des revenus locatifs correspondants, le couple avait conservé la charge d'une partie des emprunts, tandis que ses investissements commerciaux avaient été un échec et avaient rapidement abouti à des liquidations judiciaires.

à noter : La banque est tenue d'un devoir de mise en garde à l’égard de l’emprunteur non averti (Cass. mixte 29-6-2007 n° 06-11.673 PBRI : RJDA 11/07 n° 1142). Elle doit vérifier que l’engagement est adapté à ses capacités financières ou qu’il n’existe pas un risque né de l'endettement résultant de l’octroi du prêt (Cass. 1e civ. 19-11-2009 n° 08-13.601 FS-PBI, 1e espèce : RJDA 10/10 n° 995 ; Cass. com. 20-9-2017 n° 16-22.047 F-D : RJDA 2/18 n° 165; Cass. 1e civ. 3-5-2018 n° 17-13.593 FS-PB :RJDA 8-9/18 n° 683).
La décision commentée est l’occasion, pour la Cour de cassation, de rappeler que la responsabilité de la banque ne peut être engagée que si l’emprunteur a été exposé à un risque d’endettement excessif. Il appartient, en outre, à l’emprunteur d’être diligent et de faire une utilisation raisonnée des fonds prêtés.
Ainsi, la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de mise en garde n’a pas été retenue dans un cas où elle avait octroyé un prêt à titre personnel aux associés d’une société ayant pris seuls l’initiative d’affecter les fonds à la société dont ils connaissaient les difficultés financières (Cass. com. 12-11-1996 n° 94-15.910 D : RJDA 2/97 n° 236). De même, le manquement de la banque n’a pas été retenu alors qu’elle avait accordé des crédits de trésorerie  afin de régler les intérêts des prêts antérieurs , dès lors que l’emprunteur disposait d’un actif circulant suffisant et que l’aggravation de sa situation financière n’était pas prévisible lors de l’octroi des prêts (Cass. com. 5-7-2005 n° 01-13.020 F-D : RJDA 11/05 n° 1283).

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